Thursday, December 25, 2008


Tu souris doucement, tristement peut être. Ton sourire se discerne difficilement. Il faut être attentif, très attentif pour pouvoir le percevoir. Moi, je le vois. Quelle que soit ma place dans la pièce, quelle que soit la distance qui nous sépare, je le vois, le perçois, l’entrevois. Il débute toujours par un léger rictus, puis se termine aussi subitement qu’il a commencé. Il est la cime de la grâce. Il est ton couronnement. Et moi ton prince.

Je suis invité à tes réceptions. Cela fait des années. Je ne les compte même plus. Tu me reçois avec le même air détaché, poli, policé. Je m'incline chaque fois un peu plus bas. Tu ne l'auras sans doute pas remarqué. Je m'avance dans tes salons où règne ton parfum, suave, fleuri, il m'envoute, ma tête me tourne, je m'asseois. Silencieusement, j'observe tes allées et venues. Ta robe qui flotte, tes gestes qui sans être lents, se décomposent dans mon esprit. Mon regard se trouble plus d'une fois au cours de ces soirées. Personne ne fais attention à moi et c'est ce qui sauve mon honneur. Je n'ai pas d'âge, je n'ai même plus de sexe, je ne suis plus personne. Je suis un corps désincarné, un esprit envouté, un être qui ne demande plus qu'à être emporté, un navire qui convoite son port de rattachement sans pouvoir l'atteindre. Je suis en quarantainne depuis plus de quarante ans. Je suis mort de ne pouvoir t'approcher, je suis mort dans cette main que je baise à chacune de tes réceptions lors de mon entrée non remarquée. C'est la bienséance et les codes qui me font figurer sur cette maudite liste. Celle qui me sauve et qui me tue tout à la fois.

Tu ris à nouveau, tu t'approches, interroges, t'inquiètes faussement, tu es peut être méchante, tu es peut être un coeur sans âme. Mais pour moi, moi qui ne vois rien, tu es mon seul rêve, ma raison de vivre.

L'éclat de tes dents ne brille pas, il scintille doucement. Il éclaire d'une lueur douce et pâle, tout juste suffisante. Cette lueur ressemble à celle que l'on décrit lorsque l'on souhaite évoquer le paradis, la terre d'asile à laquelle chaque homme s'accroche pour pouvoir rêver et s'évader.

Tu es la mère des mères. Le sein dans lequel chaque homme voudrait se blottir. Mon regard se perd dans cette robe, dans le flottement de tes jupons.

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