Saturday, October 25, 2008







Tel un ange endormi qui déploie ses ailes, tu t’es éveillée ce matin. Ton visage de porcelaine a laissé entrevoir des yeux vitreux d’un bleu d’une puissance indécelable. Telle une poupée blessée et meurtrie tu t’es réveillée sans personne à tes côtés. La chambre vide, vidée de toute présence, cette chambre t’angoisse. Elle se referme sur toi comme un piège sourd et lent. Elle t’étouffe même à présent cette tapisserie si fleurie. Plus rien ne te convient, plus rien ne te reflète. Ton visage pâle, le reflet de tes traits, le sourire a quitté ce beau visage que tu aimais tant.

Ce miroir trahit ton malheur, tu ne ressens plus que de la douleur. Tes ailes ont été froidement brûlées, ton envol a été coupé, tu ères à présent, tu as perdu ta route. Les autres oiseaux ont déjà regagné les terres où le printemps les attend, toi tu es restée là et l’hiver glace ton sang.

La mer s’est retirée, elle n’a laissée que saletés et ordures. La mer s’est retirée et avec elle coquillages et beaux remous. Tu restes seule sur cette plage déserte où le vent se lève. Plus aucun touriste, plus aucun enfant ne rie, les cerfs volants ont disparu. Ton pas est lourd, tes larmes abondantes. Elles coulent à flot et voilent ta vue. Tes yeux sombres se posent sur tes pas. Tes pas sont forcés, seul l’instinct de vie motive ton mouvement.

Tu es étalée sur ce lit froid tu te retournes, tu le hantes, rien ne le réchauffera. Tu es étendue dans ces draps glacés, tu ne ressens plus rien, le solide ne te réconforte même plus.

Demain tu marcheras seule, revêtue d’un pantalon sombre, tu chemineras lentement, tu arpenteras les rues qui défileront devant toi, tu avanceras sans but, les yeux baissés, demain rien n’aura changé, tu seras la même, impassible, insensible.

Personne ne te regarderas, on ne lève pas les yeux sur les femmes tristes, sur celles qui ont perdu le goût de vivre, on se détourne d’elles, comme l’oiseau noir, le sourire les a quitté les hommes avec.

Demain, tes fesses onduleront dans ce pantalon trop serré qui laissera deviner tes formes que tu offrais encore hier à cet homme sans retenue, sans te poser aucune question. Demain tu n’espéreras plus rien, tu revêtiras cet habit sans imaginer sans souhaiter sans espoir.

Ta blancheur synonyme jusqu’à présent de candeur et de douceur deviendra le signe de ton mal-être, ta mauvaise mine effraiera, ton teint pâle éloignera même le plus hardi, même le plus amoureux de tes amants d’antan.

Demain tu seras une poupée délaissée, une femme seule, une femme ni inquiète, ni pressée, le vent ne te bousculeras même plus, tu te laisseras portée par ses courants, tu te laisseras guider par des chemins déjà tout tracés, tu ouvriras ta porte mais tu auras fermé ton cœur.

Ce sourire, tes rires, te reviendront comme des images douloureuses, s’accrocheront à toi, te sauteront dessus et ne te lâcherons plus.

Demain ton corps sera dépourvu d’utilité, tu le traîneras comme un fardeau, tu le subiras, tu le haïras car il n’aura pas su le retenir.

Ce corps n’aura plus aucune importance il sera un objet usagé, bon à jeter, tu ne t’en occuperas plus, tu te livreras sans réconfort, sans amour, surtout sans amour.

Ces mains qui te caresseront qui décacheteront tes dessous n’auront aucun visage, aucune âme, tu lui parleras, tu lui souriras faussement, ton esprit sera éteint, ton cœur sera mort.

Elles se glisseront au plus profond de ton corps, elles envahiront tout, elles n’auront aucune limite, tu n’en auras plus, tu ouvriras ta bouche, tu baiseras ce corps, cette bouche devant toi sans être là.

Demain le bel ange se transformera en démon il se réveillera dans l’enfer et décidera d’y rester et d’y plonger définitivement. Le bel ange aura les yeux gonflés, les cernes prononcées, les vêtements entassés, des cigarettes allumées et éteintes, la chambre désordonnée, les seins découverts et un homme dans son lit.

Demain le bel ange n’existera plus, l’innocence qui le faisait s’écrier, courir vers toi, te prendre et te serrer dans ses bras ne sera plus.

La candeur l’aura quitté en même temps qu’elle se sera réveillée seule et le sommeil protecteur, celui de tes bras dans lesquels il s’enveloppait.

Elle est seule, elle ne ressent plus rien, même les sensations l’ont quitté, la douleur reste, immuable, impertubable, lancinante.

La douleur de ne pas se sentir aimée, la plus cruelle, celle de ne plus avoir d’espoir, de ne plus croire en rien, de ne plus croire dans la vie, dans ce mensonge du bonheur, de ne plus.

Elle se retourne sur personne. Elle n’entend que des cris imaginaires. Elle a mal, elle souffre. Elle pourquoi. Elle encore. Elle toujours. Elle.

Rien n’est plus beau. Il était nu dans cet arbre. Elle le voulait nu devant elle. Elle lui dit de se déshabiller. Il lui obéit. Encore. Toujours. Pour combien de temps. Quelles seront ses limites ? En a-t-il ? Elle pour lui. Lui pour elle. Il est nu mais cette nudité n’est rien. Il est nu dans cet arbre. Il est nu devant elle. Mais pas complètement. La seule nudité qu’elle voulait, elle ne l’aura pas eu. La pureté est loin. Seule la nudité reste. La nudité sans pureté c’est moche. Un corps nu, un être loin. Un esprit évaporé. Il l’a déjà quitté. Malgré tout, il est là. Il la regarde, il l’observe. Il est nu pour elle. Seulement pour elle. Il est nu, elle voit tout. Elle voit trop. Elle ne voulait pas voir tout cela. Elle ne le voulait pas nu. Elle lui dit de se réhabiller. Il obéit. Encore. Toujours. Pour combien de temps. Que pense-t-il ? Que voulait-il ? Voulait-il vraiment être nu ? Voulait-il qu’elle soit nue ?

Il est redescendu. Tel un ange qui descend. Il ne pose pas ses mains sur elle. Le froid est là. Ses mains sont absentes. La douleur est trop forte. Plus rien ne masque. Les habits ne servent plus. L’utilité, l’espoir, encore, toujours. Pour combien de temps ?

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