Thursday, September 21, 2006

Les femmes sont trop connes




Récemment a été publié dans l’édition italienne un ouvrage d’une jeune femme intitulé Bella, ricca e stronza autrement dit, Belle, riche et salope. Soit ! N’est ce pas là le signe, parmi tant d’autres, d’une réflexion imposée aux femmes sur leur propre statut : la femme moderne a le droit et même revendique des comportements jadis condamnés. Désormais, la femme a le droit d’être une salope et de se comporter comme telle avec les hommes.

Voilà sans doute en substance le thème de la série célèbre Sex and the city. De la salope sur le plan sexuel, à celle qui s’émancipe et qui sous couvert de bonne éducation se laisse aller parfois plus qu’une autre, dès lors qu’elle se trouve dans les bras d’un homme à celle qui revendique sa liberté et sa réflexion sur le statut de la femme et le devenir de l’amour, toutes les femmes de Sex and the city ont en commun d’incarner la femme moderne, celle qui n’a plus honte.

Et pourtant… Et pourtant, est ce pour autant que la femme moderne s’en sort bien, pourrait-on dire, tire son épingle du jeu, n’en bave pas, autrement dit ne souffre plus dans ses relations avec le sexe opposé. Rien n’est moins sur tout au contraire. Dans cette quête d’égalité voire de supériorité (il faut bien l’avouer) la femme souffre sans doute encore plus car à la souffrance découlant de ses contacts avec les hommes s’ajoute la souffrance issue de l’échec face à cette quête d’égalité.

Alors oui on pourrait revenir sur la question des salaires, des congés maternité, des postes à haute responsabilité, sur la suppression par le gouvernement Villepin du ministère de la parité. Mais ce n’est là que thèmes battus et rebattus.

Au-delà, cette souffrance se fait sentir dans la vie des femmes au jour le jour et c’est sur cela que portera mon propos.

Pour commencer par le plus grave de ces phénomènes, le nombre de femmes battues et celui encore plus dramatique de femmes qui décèdent des coups et blessures infligés par leur cher et tendre. Relevons qu’au-delà de ces cas de violences régulières s’ajoute les violences ponctuelles qui sont souvent étouffées et ne font l’objet d’aucun écho même le plus souvent dans l’entourage proche. Ces violences sont souvent minimes, elles ne laissent aucune trace, elles consistent dans un bras retenu, un coup de poing passé à côté mais qui fait frémir, une tête ou un corps brusquement rejeté ou secoué. Elles ne laissent du moins que des traces psychologiques et non physiques et sont pardonnées naïvement ou tues.

Un autre cas de violence physique est sans doute celui de la violence sexuelle. Citons par exemple la douleur ressentie, lorsque l’envie, l’appétit sexuel s’est depuis longtemps évaporé par les différentes maladresses de son partenaire entraînant un rétrécissement vaginal et une sécheresse. Simple volonté d’être à l’unisson ou du moins de ne pas creuser le décalage pourtant existant ou don de soi, pourquoi les femmes se taisent ? Je pencherais plus pour un acte généreux dont les femmes sont très peu remerciées. Sans parler de toutes celles qui continuent à faire l’amour sans en avoir la moindre envie.

Mais passons au chapitre de la violence morale : on atteint alors le paroxysme et c’est sûrement ce domaine qui est le plus délicat car s’y ajoute l’échec face à cette égalité tant espérée.

Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe revient sur « L’amoureuse ». Ce chapitre permet de comprendre le fonctionnement initial de la femme face à l’homme, lorsque encore toute naïve et croyant au grand amour elle se laisse bercer par la douce illusion de l’homme qui l’aimera.

L’homme et la femme selon Nietzsche n’abordent pas la relation amoureuse de la même façon et le don de soi dont fait preuve la femme entraîne une peine plus importante lorsque la relation s’achève. N’avez vous jamais ressenti cette sensation de vide absolu, de désespoir qui semble sans remède lorsqu’un homme vous quitte. Cette sensation c’est celle qui vous prend aux tripes, qui vous fait chavirer, frapper du poing sur l’oreiller le soir à trois heures du matin, c’est se réveiller le matin en larmes, c’est le haïr et vouloir l’appeler en même temps.

Ecoutons plutôt les explications de Nietzsche dans Le Gai savoir :

« Malgré toutes les concessions que je serais disposé à faire au préjugé monogamique, je n’admettrai jamais que l’on parle d’une égalité de droits en amour chez l’homme et la femme, cela n’existe pas. […] Ce que la femme entend par amour est assez clair : parfait don (non pas seulement abandon) du corps et de l’âme sans restriction et sans réserve ».

Voilà qui est assez clair et qui déculpabilisera plus d’une qui se croyait folle. Voilà également qui explique cette violente douleur qui anéantie la femme lors de la rupture et qui explique également pourquoi une femme amoureuse ne peut quitter l’homme qu’elle aime. Si elle le quitte c’est non seulement l’objet de son amour qu’elle laisse partir mais également une part d’elle-même puisqu’elle s’est toute donnée, laissée allée, reconstruite dans cet amour et pour cet homme : sans lui elle n’est plus rien et donc en plus de la douleur de la rupture elle devra assumer les difficultés d’une reconstruction de soi.

Mais comment expliquer ce don de soi, une telle réaction ?

Selon Simone de Beauvoir la femme a besoin de repères et le premier de ses repères c’est l’homme. Elle est partagée entre sa propre douceur et sensibilité qu’elle veut retrouver chez l’autre et sa quête de l’altérité qu’elle cristallise dans le côté masculin voire macho. Ainsi Simone de Beauvoir affirme-t-elle : « elle ( la femme) recherche l’homme en qui s’affirme la supériorité mâle ; elle est vite amenée à constater que beaucoup d’individus du sexe élu sont tristement contingents et terrestres ; mais elle a d’abord à leur égard un préjugé favorable. […] Selon les circonstances la valeur mâle se manifestera à ses yeux par la force physique, l’élégance, la richesse, la culture, l’intelligence, l’autorité, la situation sociale, un uniforme militaire ».

Première raison de ce don de la femme à l’homme : le préjugé favorable de la femme pour l’homme. L’homme est ce repère, ce roc, ce demi-dieu et elle doit donc s’y soumettre jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que la stabilité est plus féminine que masculine et que le préjugé favorable n’était qu’un préjugé. L’homme est pensé comme cet être qui ôtera à la femme ses problèmes, ses soucis, qui lui apportera la faiblesse qui lui manque (et qui prend sa source avant tout dans un force physique moindre). Il est signe de sécurité : il propose la sécurité, le mariage et même l’acte de pénétration sont sources d’assurance : la femme est complétée : il ne lui manque plus rien.

Mais selon mon point de vue l’homme par sa lâcheté accentue la souffrance de la femme : Si l’on revient sur les causes de rupture : la trahison est évidemment la pire. Mais la flagornerie ne laisse pas sa place « je te quitte tu es trop bien pour moi » et disons que trouve une bonne place ce que j’ai appelé la rupture paradoxale « je t’aime donc je te quitte ». La lâcheté masculine ne peut plus aujourd’hui se cacher derrières les convenances sociales (je t’épouse parce que j’y suis obligé) derrière la position valorisée de l’homme au sein de la société alors elle a éclaté au grand jour et elle choque les femmes. Peur de s’engager, peut de se consacrer à une seule femme, peur de s’exprimer et d’avouer ses pensées réelles. Incapacité à gérer le quotidien et donc volonté consécutive de toujours vouloir en faire plus professionnellement parlant pour se sentir à la hauteur, sur de soi.

Face à cela que fait la femme : elle dialogue ou tente de dialoguer, elle rassure que ce soit physiquement ou verbalement, elle attend tôt ou tard Pénélope entre en chacune de nous et vous vous retrouvez sur votre canapé, à attendre dans la salle d’attente d’un dentiste alors que vous n’êtes pas allé voir le vôtre depuis des mois, à attendre un coup de fil, à attendre que l’on vous aime. La femme rassure : elle est la mère avant d’être autre chose. Elle le giron maternel dans lequel l’homme peut enfin se sentir homme.

Mais si l’homme en présence de la femme se sent ne serait ce que par l’acte de pénétration qui l’enorgueillit, la femme en revanche ne tire pas automatiquement de la relation une plénitude retrouvée dans sa féminité. Et comme le rappelle Simone de Beauvoir certaines femmes aiment se sentir « sexuellement dominée exaltant l’homme qui lui paraissait d’abord insignifiant ». Mais que fait-elle si elle ne trouve même pas dans l’acte sexuel cette source de domination ? Elle la cherchera ailleurs, dans le domaine professionnel en s’écrasant un peu plus davantage chaque jour pour le laisser croître. Elle aura également recours à son imagination pour se sentir enfin dominée sexuellement ainsi qu’à de nombreux autres palliatifs : « La femme qui se soumet avec plaisir à des caprices masculins (sodomie, actes sexuels sado-masochistes, fellation etc) admire aussi dans la tyrannie qui s’exerce sur elle l’évidence d’une liberté souveraine. Il faut prendre garde que si pour quelque raison le prestige de l’amant s’est trouvé ruiné, les coups et exigences deviendront odieux ».

Et dans ce cas là, qui rassure la femme ? Elle demeure une fois de plus dans l’attente qui devient perpétuelle de quelque chose qui n’arrivera pas et les satisfactions ne seront que temporaires.

Mais jusqu’où le don de soi peut aller ? La femme amoureuse pour Simone de Beauvoir aime avant tout servir son amant (et si force est de constater que l’on retrouve la description de comportements féminins dont chacune d’entre nous a eu au moins une fois honte) : « Pour réaliser cette union, ce que la femme souhaite d’abord c’est servir ; c’est en répondant aux exigences de l’amant qu’elle se sentira nécessaire ; elle sera intégrée à son existence à lui, elle participera à sa valeur, elle sera justifiée ».

Les hommes ont à ce sujet souvent du mal à comprendre pourquoi la femme s’agite autour de lui sans jamais s’arrêter : repassage de tes chemises, préparation d’un repas le plus exquis possible, médicaments au bord de ton lit, nouage de cravate le matin à six heures et pourquoi surtout tout s’arrête s’un coup. La femme lorsqu’elle n’est plus amoureuse arrête de se dépenser inutilement et ne divinise plus l’homme qui se trouve en face d’elle : elle retourne à son caractère premier et renaît d’un avilissement dans lequel elle s’était plongée seule mais dans lequel l’homme n’a souvent rien fait pour l’en tirer et tenter de rétablir une certaine égalité. Plus la femme amoureuse sent que son homme lui échappe plus elle s’accrochera sans aucune dignité en s’attachant de manière absurde à chaque chose qui appartient à l’homme qu’elle aime. Et plus l’homme voit la femme agir ainsi, moins il la respecte et moins il l’aime : elle devient un objet sexuel dont il peut tout faire et qui soupire à chaque geste. Et Simone de Beauvoir d’ajouter « L’amante qui se retrouve devant l’amant dans la situation de l’enfant devant ses parents retrouve aussi ce sentiment de culpabilité qu’elle connaissait auprès d’eux ; elle ne choisit pas de se révolter contre lui tant qu’elle l’aime : elle se révolte contre soi. S’il l’aime moins qu’elle ne le souhaite, si elle échoue à l’absorber, à le rendre heureux, à lui suffire, tout son narcissisme se convertit en dégoût, en humiliation, en haine de soi qui l’incite à des auto-punitions. Pendant une crise plus ou moins longue, parfois pendant toute sa vie, elle se fera victime volontaire, elle s’acharnera à nuire à ce moi qui n’a pas su combler l’amant. Alors son attitude est proprement masochiste. »

La femme jalouse est-elle coupable sachant qu’elle a donné tout ce qu’elle était ? Pour Simone de Beauvoir cette jalousie s’explique fort bien : « l’absence de l’amant est toujours pour la femme une torture : il est un regard, un juge, dès qu’il fixe ses yeux sur autre chose qu’elle, il la frustre ; tout ce qu’il voit, il le lui vole ; loin de lui, elle est dépossédée à la fois d’elle-même et du monde ; même assis à ses côtés, lisant, écrivant, il l’abandonne, il la trahit. Elle hait son sommeil ». Mais l’amant se sentira étouffé par cette omniprésence et par cette focalisation. Et cette attitude ne pourra aboutir qu’à un rejet progressif de la femme amoureuse qui deviendra un poids plus qu’un objet de désir.

J’espère grâce à ce petit panorama décomplexer plus d’une femme se croyant, folle, hystérique ou obsessionnelle : non elles ne sont qu’amoureuse.

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